UFOLOGUES ET UFOLOGIE

Ce titre est celui d’un essai de Mr Jacques SCORNAUX issu du livre (Page 329) écrit par un collectif sous la direction de Thierry PINVIDIC « OVNI, vers une anthropologie d’un mythe contemporain » (1996) avec l’aimable autorisation de Mr SCORNAUX.

On peut y comprendre les agissements qui ont décrédibilisé l’ufologie. Au fond je pense que c’est toujours pertinent même si les support d’informations ont changé. Bonne lecture.

Un des principaux éléments sur lesquels la majorité des scientifiques fonde son dédain à l’égard de l’étude des OVNI est le manque de crédibilité accordé aux ufologues. Il importe de bien se rendre compte qu’aucune science n’est possible sans confiance. Si on ne fait pas l’hypothèse que certains phénomènes que l’on n’a pas observés soi-même existent néanmoins, aucun avancement dans la recherche n’est possible. Un savant ne peut évidemment pas passer tout son temps à contrôler la masse grandissante d’informations publiées dans son domaine d’étude. Il aura, cependant, tendance à accorder foi, sans que cela ait le caractère d’une croyance aveugle, à une expérience qu’un certain nombre de ses collègues affirment avoir réussie. 

Il utilisera, éventuellement, ces expériences non vérifiées personnellement pour étayer ses propres théories, car même si elles ne sont pas contrôlées, il est assuré en tout état de cause qu’elles sont contrôlables et qu’une erreur éventuelle apparaîtra donc tôt ou tard au grand jour.

Dire que le savant n’accepte pas les affirmations des ufologues revient dès lors à dire qu’il ne les estime pas contrôlables, en raison d’une crise de confiance liée à l’opinion peu flatteuse qu’il a des passionnés d’OVNI. Cette piètre opinion n’est souvent hélas que trop justifiée. Son caractère de branche maudite de la connaissance et l’attrait romanesque intrinsèque de l’hypothèse extraterrestre ont amené à l’ufologie une faune assez pittoresque, plus ou moins en marge de la société. Amateurs de soucoupes autant que de Kabbale, de Templiers ou de philosophie pseudo-orientale, ces individus se moquent, en fait, d’une éventuelle reconnaissance du phénomène OVNI par la science. Pour eux, cette dernière est, une fois pour toutes, rangée parmi les ennemies irréconciliables ou, dans le meilleur des cas, considérée comme une bonne petite ouvrière qui n’atteindra jamais les hauteurs de la Spiritualité. 

Il sort de mon propos de discuter ici de ce genre d’opinions, qui sont pour beaucoup dans l’attitude des hommes de science. Je me limiterai à la constatation que même les groupes et les auteurs les plus « sérieux » du milieu ufologique, qu affichent, à défaut peut-être de toujours le penser, l’intention solennelle d’intéresser l’ensemble du corps scientifique à leur cause, ne réussissent pas à atteindre ce but. Ce sont les causes du manque flagrant de crédibilité de ces personnes-là qu’il y a lieu d’examiner.

 La personnalité même des dirigeants de cercles ufologiques et des écrivains spécialisés est, notamment et avant tout, mise en cause, bien que j’exclue de mon propos ceux qui se détournent délibérément de la science. En effet, puisque les hommes de science s’intéressant aux OVNI représentent une extrême minorité même les groupes accueillant en leur sein des scientifiques sont souvent dirigés par des hommes dont la bonne volonté ne supplée pas au manque de connaissances. Il s’en suit la publication fréquente, dans les revues et ouvrages spécialisés, d’énormes gaffes scientifiques qui viennent gâcher l’effet favorable des éléments d’un réel intérêt avec lesquels elles voisinent. Et même en l’absence de telles bavures, le savant fera de toute manière davantage confiance à l’un de ses pairs, qu’il sait rompu comme lui à l’exercice de son esprit critique, et avec lequel il partage une même méthode d’approche des phénomènes de la nature. 

Il y a aussi l’effet désastreux de l’extraordinaire dispersion des efforts consentis par les ufologues et des incessantes querelles de chapelles. Ces incohérences tiennent certes, pour une part, au mystère dont s’entoure (ou dont on entoure)le phénomène étudié. Dans un domaine aussi mal défini, encore en friche, il est assez normal que naissent et prospèrent des antagonismes et des controverses bien plus vifs que dans un domaine de connaissances déjà bien balisé. Toutefois, même en l’absence de réelle animosité, on peut constater un manque flagrant de communication et de confiance entre les ufologues. Ceux-ci adoptent souvent un comportement de comploteur en manteau couleur de muraille, tenant des propos du genre : « J’en sais des choses, mais je ne peux pas vous les révéler », et réservant leurs hypothétiques découvertes à un aristocratique « Collège invisible » (2). Je crains fort qu’une telle attitude confinant à la puérilité ne cache souvent que le vide ! Elle est en outre tout à fait antiscientifique et ne peut donc que rebuter le chercheur qui s’aventure à lire la prose ufologique. En effet, la notion de progrès scientifique est inséparable de celle de circulation libre des informations. Il est donc intéressant de comparer de manière un peu plus précise la manière dont l’information circule en science et en ufologie. 

Mises à part les contraintes qui résultent de la sécurité nationale, de la concurrence commerciale et de certains scrupules moraux, tout savant sait en principe ce que font les chercheurs qui, dans le monde, travaillent sur le même sujet que lui. Il ne les a certes pas tous rencontrés personnellement, à l’occasion de visites privées ou de ces congrès, colloques et symposiums dont notre époque est friande mais il connaît en général leur nom, leur adresse professionnelle et leurs travaux par le canal des articles qu’ils écrivent dans les innombrables revues spécialisées. Et de toute manière, soit dit cyniquement au passage, un secret, cela s’achète, que ce soit par espionnage militaire ou industriel ou, plus prosaïquement, par l’acquisition de la licence d’exploitation d’un brevet. Quant à la dissimulation liée au désir d’avoir l’antériorité d’une découverte, elle est par nature temporaire, le destin des scientifiques étant, comme le dit une expression venue d’Outre-Atlantique, de « publier ou périr ». 

Ceci ne veut bien sûr pas dire que le monde de la recherche soit idyllique : les scientifiques étant des hommes comme les autres, on n’y rencontre pas moins de conflits d’idées ou de personnes et de petitesses morales qu’ailleurs. Mais enfin, corsetée (plus ou moins bien) par ses méthodes et par ses institutions, la science progresse néanmoins, sans doute pas toujours aussi vite qu’elle le pourrait si elle n’était empreinte d’un certain conservatisme, et le champ des connaissances ne cesse de s’élargir. 

Pour ce qui est de l’ufologie, deux exemples extrêmes, mais vécus, illustreront parfaitement l’absence de communication : deux ufologues connus habitaient à 800 mètres l’un de l’autre et ne le savaient pas ! Sans qu’ils eussent la moindre animosité l’un envers l’autre, ces messieurs ne se connaissaient tout simplement pas. Tel autre ufologue très connu était, lui, plongé dans la perplexité quant au  nom à placer derrière le pseudonyme d’un confrère, tout aussi connu. Du point de vue scientifique, de telles situations sont effarantes ! Des chercheurs spécialistes du même domaine peuvent éventuellement ne pas se fréquenter s’ils se détestent, mais du moins ils se connaissent et se tiennent au courant de leurs travaux respectifs. 

Le fossé qui existe entre les responsables des revues et groupes d’étude, d’une part, et les chercheurs isolés et écrivains spécialisés, d’autre part, constitue l’un des drames de l’ufologie. En effet, non seulement les auteurs de livres sur le sujet et les dirigeants des cercles d’étude sont rarement les mêmes personne , mais en plus les contacts entre ces deux catégories d’ufologues sont pratiquement nuls. Les responsabilités de cette déplorable situation sont incontestablement partagées : beaucoup de groupes semblent en effet tenir pour négligeable l’avis des chercheurs isolés, et certains auteurs considèrent les cercles privés comme de simples « rabatteurs de gibier », dont la seule tâche serait de rassembler les rapports d’observation qu’exploitent ensuite les chercheurs « qualifiés » (sous-entendu, eux, les Seigneurs de l’ufologie). 

Ce manque désespérant de communication à tous les échelons, malgré les multiples « congrès » où l’on se rend davantage pour s’entendre parler que pour écouter les autres, a bien sûr pour conséquence que chaque groupe ou chercheur va refaire, le plus souvent mal, des travaux déjà effectués dix fois par ailleurs. Cet éparpillement et ce gâchis de bonnes volontés sont loin de tenir uniquement à la nature du phénomène étudié. Ils sont surtout inhérents au caractère officieux des recherches, indépendamment du sujet de celles-ci. Une structure officielle — université, académie, centre de recherches industriel ou militaire — si boîteuse qu’elle puisse être parfois, entraîne par son existence même des regroupements, une hiérarchie. Il se peut que des rouages grippent, mais la machine tourne. En ufologie, et dans tous les domaines « maudits », il n’y a que des rouages, certains peut-être en alliage précieux, mais pas de machine.. L’individualisme de l’homme est tel que, même pour la victoire d’un idéal qui lui est cher, il agira de Manière désordonnée si une structure ne vient pas l’encadrer et guider son effort. 

L’absence de centre de recherche financé par l’Etat (*) ou par une entreprise privée a d’ailleurs une autre conséquence immédiate et triviale : n’étant pas rémunérée, si ce n’est très partiellement par les droits d’auteur pour les écrivains l’ufologie est une occupation réservée aux loisirs, ce qui implique un double manque de temps et de ressources, D’où un assez joli cercle vicieux : les ufologues ne reçoivent pas de soutien parce qu’ils ne sont pas considérés comme crédibles, mais ce même manque de soutien empêche les plus sérieux d’entre eux d’atteindre cette crédibilité. 

Une autre maladie endémique dans le milieu ufologique, liée elle aussi au caractère bénévole des activités et nuisible également à la crédibilité, est la « fusionnite » aiguë, et son corollaire inévitable, la « scissionnite » tout aussi aiguë. L’un des passe-temps favoris de l’ufologue de la variété « apparatchik de groupement » consiste en effet à échafauder inlassablement d’hétéroclites alliances entre sociétés bancales et associations asthmatiques, alliances parées de noms à rallonges où reviennent à foison les mots « fédération » et « international » (il suffit d’un seul membre étranger). On a même connu un « colloque international » où pas un participant n’avait franchi de frontière : un résident étranger faisait l’affaire ! Plus un groupe est petit, plus le microbe de cette maladie y est virulent. Aussi les intitulés pompeux des « congrès » et autres « comités de coordination » correspondent-ils d’aussi près à la réalité que si la Principauté de Liechtenstein et la République de Saint Marin prenaient, en fusionnant, le nom d’Etats-Unis d’Europe ! Ces fédérations surréalistes durent en général ce que durent les roses, chaque ex-président de groupement ne pouvant supporter bien longtemps de n’être que le troisième ou le quatrième parmi deux cents et non plus le premier parmi vingt. D’autant plus qu’il n’a de toute façon, par incompétence ou par dissimulation, pas grand chose à échanger avec les autres groupes fédérés. Chacun reprend donc ses billes pour fusionner quelque temps après avec d’autres partenaires. 

D’autres mauvaises surprises encore attendent le scientifique qui se hasarde dans l’arène ufologique : non seulement l’information circule mal (surtout si elle tend à expliquer prosaïquement une observation), mais même lorsqu’elle est largement diffusée par le biais de livres et de revues, elle demeure pratiquement inutilisable pour celui qui voudrait approfondir la question, les références bibliographiques brillant par leur absence ou étant par trop incomplètes, Beaucoup d’ufologues ne se rendent pas compte que citer ses sources, C’est non seulement une preuve de sérieux, puisque l’on rend ses affirmations contrôlables, et une élémentaire correction morale, c’est aussi un moyen de faciliter la progression de la recherche, le chercheur spécialement intéressé par un point particulier sachant ainsi où s’adresser pour recueillir des informations plus complètes. 

Une bibliographie fouillée est indispensable. Il convient, quand on cite une revue, de mentionner le nom de l’auteur, le volume, l’année, le numéro, la page et l’adresse de la publication, et quand on cite un passage précis d’un ouvrage, d’indiquer la page, si l’on ne veut pas obliger le malheureux chercheur à feuilleter fébrilement 200 pages ! Ce sont là des normes élémentaires pour tout scientifique et leur non-respect par les ufologues ne contribue pas peu à entretenir la méfiance à l’égard de leurs travaux. Ces lacunes bibliographiques ne sont pas dues uniquement, tant s’en faut, à un souci de dissimulation, mais aussi à l’innocente ignorance des rigueurs de la recherche. 

Je dois toutefois reconnaître que sur ce point, la situation s’est passablement améliorée ces dernières années. Même certains ufologues fort crédules ont compris l’intérêt des références, et l’on a vu paraître des articles et des ouvrages dont la naïveté extrême s’assortissait d’une bibliographie parfois très complète. Saluons comme il le mérite cet effort louable, qui rend utiles au chercheur des travaux par ailleurs assez indigents. 

Dans le même ordre d’idées, un ouvrage documentaire sérieux se doit de posséder un index des mots-clés, reprenant les principaux auteurs et sujets cités. Cet instrument si utile est hélas pratiquement inconnu dans l’ufologie de langue française. Parmi les périodiques, seule la revue belge Inforespace a publié un index, limité cependant aux trois premières années de parution. Quant aux livres, les index se comptent sur les doigts de la main. Ils sont beaucoup plus fréquents dans les ouvrages en langue anglaise, et disparaissent généralement à la traduction. Sur ce point, les ufologues sont toutefois loin d’être seuls en cause : il faut bien constater, hélas, que chez nombre d’éditeurs, l’index est, si j’ose dire, mis à l’index… 

C’est donc à bien des égards que le scientifique ne retrouve pas, dans les publications ufologiques, les usages de rigueur et de précision auxquels il est accoutumé. Tout cela ne peut que faire naître en lui une méfiance bien compréhensible, indépendamment de l’étrangeté propre du sujet traité. 

Mais le plus grave, c’est sans doute dans les comptes rendus d’enquêtes qu’on le trouve. Quelle que soit son ouverture d’esprit, parfois très réelle, à l’existence de l’étrange, une personne douée d’un sens critique normalement développé ne peut qu’être effarée des lacunes et naïvetés énormes que présentent la plupart des textes que l’on ose qualifier d’enquêtes : questions « fermées » orientant les réponses du témoin dans le sens que l’on devine, acceptation sans réserve des estimations de distance et de vitesse données par le témoin, même si le phénomène a été vu sur fond de ciel sans nuage (dans de telles conditions, vitesse et dimension d’un objet supposé inconnu sont impossibles à évaluer en l’absence d’un deuxième observateur séparé permettant une triangulation), absence de test de la vue du témoin (alors que nombre de gens pensent à tort avoir une vue perçante), absence d’enquête de voisinage (c’est pourtant le b.a ba du métier de policier ou de détective), interrogatoire groupé en cas de témoins multiples (autre infraction aux règles de l’enquête judiciaire), ou encore présentation au témoin de dessins d’OVNI ou d’extraterrestres allégués, histoire de l’influencer un peu plus encore… 

Il existe, certes, une minorité d’enquêteurs dignes de ce nom, qui ne ménagent ni leur temps, ni leur peine, ni leur jugeote, et ce toujours bénévolement. Mais quelle chance aurait l’homme de science à l’esprit ouvert, feuilletant avec bienveillance une quelconque publication ufologique, de tomber sur la prose de ces oiseaux rares avant d’être découragé par la médiocrité du reste ? 

Pour donner au lecteur une idée de la superficialité de l’enquête ufologique ordinaire, prenons l’exemple des atterrissages d’OVNI comportant l’observation de traces de pas des humanoïdes (3). De tels cas devraient retenir tout spécialement l’attention des ufologues qui défendent l’hypothèse extraterrestre. En effet, si on pouvait relever, en divers cas de par le monde dont les témoins n’ont pas pu communiquer entre eux, des traces de pas présentant des particularités identiques, ne serait-ce pas un bel élément de preuve de la visite d’extraterrestres ? On s’attendrait donc à ce que l’ufologue relève avec un soin particulier les caractéristiques de ces traces, c’est-à-dire fasse des mesures, prenne des photos et réalise des moulages s’il a pu les voir lui-même, ou demande au témoin un croquis et une estimation des dimensions si les traces avaient déjà disparu à son arrivée. 

En pratique, voici les faits dans leur brutale nudité : sur 160 cas de traces de pas que j’ai recensés, le rapport publié contient un dessin des traces dans 13% des cas seulement. On nous dit qu’une photo a été prise dans 15% des cas, mais à 5 reprises, on ne daigne pas nous la montrer. Des moulages auraient été réalisés dans 5 cas (un sur trente !), mais nous n’en voyons qu’une seule photo, guère utile d’ailleurs, car les dimensions ne sont pas indiquées ! À ce propos, on se contente en général de nous dire que les dimensions étaient petites ou grandes, mais on ne donne des chiffres que dans une petite moitié des cas ! Et encore : une fois sur deux, le renseignement se limite à la seule longueur, voire, dans trois cas, à la seule largeur (je suppose qu’il faut être ufologue pour avoir l’idée saugrenue de n’indiquer que la largeur d’un pied…). Quant à la forme, aucun renseignement n’est fourni à son sujet dans plus d’un quart des soi-disant « enquêtes ». Mais voici sans doute le plus beau : sur les 17 ufologues qui ont vu eux-mêmes les traces, cinq n’ont fait ni dessin, ni photo, ni moulage (à moins qu’ils ne veuillent pas confier au lecteur des secrets si hautement stratégiques), trois ne daignent rien nous dire de la dimension des traces et deux autres nous en dissimulent jalousement la forme… 

Ces chiffres sont proprement renversants ! On en vient à douter de la sincérité des ufologues quand ils déclarent avec insistance qu’un de leurs objectifs principaux est de convaincre les milieux scientifiques de la réalité des OVNI. Si tel était vraiment leur but, ils prendraient plus grand soin d’accumuler les indices et les données au cours de leurs enquêtes sur le terrain, Ne se rendent-ils pas plutôt auprès des témoins pour chercher une confirmation de leur croyance préexistante aux extraterrestres ? Une fois le récit recueilli, leur soif de merveilleux est étanchée, et ils ne cherchent pas vraiment À transmettre l’information à des « non croyants » : à quoi bon, semblent-ils penser, puisque ces derniers sont, comme on sait, pleins de préjugés. En somme, l’ufologue ne fait pas une enquête, mais, comme le disait Michel Monnerie, un « constat de miracle » (4). Et il n’est pas même capable de constater correctement un miracle, car il faut à l’Église catholique une investigation beaucoup plus approfondie que les meilleures enquêtes ufologiques pour reconnaître un phénomène comme miraculeux.. 

L’ufologue est un vaste sujet, que je ne pouvais prétendre épuiser en ces quelques pages. Tellement vaste que Dominique Caudron a suggéré qu’il serait urgent d’adjoindre à l’ufologie une autre science en devenir appelée « ufologologie », où étude des ufologues eux-mêmes. On trouvera d’autres éclairages sur le comportement de l’« homo ufologicus » dans le numéro spécial de la revue OVNI-Présence intitulé « De natura rerum ufologicarum », entièrement consacre à l’étude de cet échantillon d’humanité (5), et dans un article de Mauro Verga (6). Sur le manque de crédibilité scientifique des ufologues, on consultera l’article de la sociologue britannique Shirley Mclver (7)

Peut-être trouvera-t-on trop sévère ma dénonciation du manque de rigueur et du dilettantisme régnant parmi ceux qui prétendent étudier « scientifiquement » les OVNI, et m’objectera-t-on qu’il n’est pas possible d’exiger d’une acuité de loisir la compétence et le rendement d’un travail professionnel. Certes, mais les ufologues affirment inlassablement que les OVNI constituent l’un des plus grands problèmes scientifiques de notre temps et justifient donc une étude approfondie, Or ce discours n’a aucune chance d’être pris au sérieux s’ils ne font pas un minimum d’efforts pour mettre leurs actes en conformité avec leurs paroles. Est-il étonnant que les hommes de science demeurent dans leur ensemble sceptiques quand nombre d’ufologues se comportent comme si le problème n’avait aucunement l’importance qu’ils disent lui accorder ? Allez croire dés lors à leur idéal… Il faut savoir ce que l’on veut : l’ufologie sérieuse exige un engagement personnel sans commune mesure avec ce que réclame un hobby traditionnel. Combattre pour une étude scientifique du phénomène OVNI ne peut pas se faire à la manière dont on collabore à une association de pêcheurs à la ligne ou d’amateurs de bégonias – activités par ailleurs fort honorables. 

Si je me suis montré sévère envers mes collègues ufologues, c’est en fait parce que je partage dans une certaine mesure leur conviction de l’importance du phénomène OVNI (et je n’oserais pas affirmer que je n’ai pas moi-même commis à diverses reprises les erreurs que je dénonce ici). Je pense en effet qu’il s’agit en tout état de cause d’un phénomène intéressant à étudier, même s’il n’est sans doute pas d’origine extraterrestre ou paranormale. Si la totalité des rapports d’OVNI avait en fin de compte pour origine une perception de phénomènes connus observés dans de mauvaises conditions et déformés par le contexte culturel — c’est l’hypothèse minimale que l’on peut faire —-la déformation serait tellement répandue et systématique, et atteindrait un tel nombre d’individus sains, qu’on aurait déjà là un phénomène original de grande ampleur exigeant une étude approfondie. 

Mais ce phénomène tellement digne d’intérêt, les ufologues bien souvent le dénaturent et le dissimulent en prétendant nous le montrer, et en détournent donc en fin de compte les chercheurs sérieux bien plus qu’ils ne les attirent. Voilà pourquoi plus je progresse dans l’étude des OVNI, plus je comprends l’attitude de la majorité des hommes de science. 

La manière de procéder, le manque d’esprit de coopération, le défaut d’esprit critique de beaucoup d’ufologues constituent une bien mauvaise propagande pour l’ufologie. En d’autres termes, je crois toujours autant à l’intérêt de l’ufologie pour le progrès des connaissances, mais de moins en moins aux ufologues !

Notes et Références:

(*) Les commissions et groupes qui existent ou ont existé dans certains pays ne peuvent pas être assimilés à de véritables organismes de recherche, en raison de leurs faibles moyens ou de leur durée limitée. 

(1) L’hypothèse selon laquelle c’est avant tout pour des raisons théoriques, relevant de la philosophie (adhésion à une vision étroitement rationaliste du monde) ou de la physique (impossibilité supposée des performances des OVNI), que l’intelligentsia rejette l’ufologie a été défendu en France avec un talent particulier par l’astrophysicien Pierre Guérin. Voir notamment : « La dossier des OVNI – Il existe un problème », Sciences et Avenir n° 307, sept. 1972, pp. 697-714, « Trente ans après Kenneth Arnold : le point sur les OVNI », Inforespace n° 43, janv. 1979, pp 2-11 ; « Lettre à un ufologue impatient », Inforespace n° 59, mars 1982, pp. 19-22. Pour un point de vue américain sur cette question. voir l’ouvrage de J. Allen Hynek (qui était, lui aussi, astro, physicien et ufologue), Les objets volants non identifiés : mythe ou réalité ?, éd. Belfond, Paris, 1974 pp. 9-11, 20-23, 203-204, ‘ 

(2) L’expression « collège invisible » qui, en notre langue, fait immédiatement songer à une sorte de société secrète et a pour cette raison, rencontré un grand succès auprès des ufologues francophones. relève, en fait, d’une erreur de traduction. En américain, « invisible college » désigne couramment l’ensemble des spécialistes qui étudient une certaine question sans appartenir à la même institution : c’est donc plutôt un « collège informel », qui n’a rien d’occulte et n’est pas propre à l’ufologie. Dans ce dernier domaine, un tel collège, qui existe bel et bien, rassemble les Scientifiques qui s’intéressent aux OVNI et échangent des informations et des réflexions sur ce thème, de façon parfois discrète par crainte que leurs collègues ne les tournent en ridicule. 

(3) Jacques Scornaux, « Catalogue des traces de pas d’ufonautes », publié en partie dans Lumières dans la nuit de 1986 à 1988 (n° 267-268, 271-272, 277-278, 281-282 et 287-288). 

(4) Michel Monnerie explique, en deux livres dont je conseille vivement la lecture, pourquoi il a cessé de partager les convictions de ses collègues ufologues : Et si les OVNI n’existaient pas ? éd. Les Humanoïdes associés, Paris, 1978 ; Le naufrage des extraterrestres, Nouvelles Editions Rationalistes, Paris, 1979. 

(5) OVNI-Présence n° 27, sept. 1983. Voir surtout l’article de Thierry Pinvidic, « De l’amateurisme et du professionnalisme ou le regard du zoologue sur l’homo ufologicus », pp. 4-24, 28. 

(6) Maurizio Verga, « Portrait of a researcher », Magonia n° 19, mai 1985, pp. 7-9 et n° 21, déc. 1985, p. 12-13. 

(7) Shirley Mclver, « A science of ufology », Magonia, n° 19, mai 1985, pp. 9-10, 14 ; traduction française : « L’absence de statut scientifique de l’ufologie », Inforespace n° 69, déc. 1985, pp. 13-15.

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